vendredi 14 octobre 2011

Ma vie de blanc parmi des noirs ou Nassara !




              En préambule de cet article je tiens a préciser, qu'il s'agit de mon ressenti personnel au bout de 15 jours de vie ici. Cela signifie, qu'il ne faut en aucun cas généraliser ce que je vais dire à l'ensemble des vécus des blancs en Afrique, de plus que ce que je ressens actuellement va certainement évoluer.

          A l'hôpital, je ne ressens pas la différence de couleur de peau. Quelques petites choses me le rappelle mais rien de pesant. Les gens me vouvoient, quasiment toute l'équipe de maternité, sauf les aide-soignantes qui sont plus âgées et alternent entre le vouvoiement et le tutoiement. Je leur demande à tous de me tutoyer , mais c'est difficile pour eux.

           D'autres petits signes : les gens me disent plus facilement bonjour, me serre la main (ici pour dire bonjour, on se serre tous la main), notamment les personnes âgées. Quand ils ne me disent pas bonjour, ils me regardent passer, sans réel jugement.

           Ce que je trouve très drôle ce sont les petits enfants entre 1 et 3 ans environ, qui n'ont jamais vu un blanc, ils me regardent avec des yeux ronds et finissent par se mettre à pleurer, ce qui me fait rire ainsi que leur mère.

            Quand je sors de l'hôpital c'est une autre histoire. Je ne suis pas beaucoup sortie pour l'instant, mais le peu de sorties, que j'ai faites, m'a permis de vivre la différence. J'ai l'impression qu'être blanche parmi des noirs, n'est pas la même chose qu'être noir parmi des blancs. Dans les deux situations le colonialisme a laissé ses traces.

             Les noirs en France ne sont pas aussi bien traité que les blancs en Afrique. Ils ont les emplois que les blancs estiment indignes d'eux : éboueur, homme ou femme de ménage, agent d'entretien dans les hôpitaux ou les bureaux, garde d'enfant. En Afrique, qui a déjà entendu parlé d'un blanc qui garde les enfants d'un noir ou qui fait le ménage chez lui. De plus, quand les noirs arrivent en France, quelques soit leur niveau de qualification, ils sont quasiment systématiquement rétrogradés à juste titre parfois, mais pas toujours. Quand je suis arrivée dans cet hôpital personne ne m'a demandé mon diplôme et je fais des actes, que je n'ai pas le droit de faire en France, mais comme je suis blanche, j'ai le savoir, donc le droit de tous faire.

         En-dehors de l'hôpital je sens les même regard qu'à l'intérieur, mais un peu plus méfiant, car je ne porte pas de blouse. Certaines personnes viennent spontanément me serrer la main, beaucoup me disent bonjour, en particulier les adolescents. J'entends autour de moi, Nassara ! Nassara ! Cela signifie « blanc » en fufuldé (le principal dialecte parmi les 15 ou 16 de la région).

           En discutant avec Luc (oui oui toujours le même, nous avons de longs et intéressantes discussions tout les deux), je sens la chance qu'il m'a été donné de naître en France. Je la sentais déjà avant de venir, mais là c'est flagrant. En premier lieu la santé, je l'ai déjà abordé dans d'autres articles, ici on ne vient pas pour un petit mal à l'hôpital, d'ailleurs la santé est payante et la question de l'argent est très présente à l'hôpital, c'est indispensable. La participation des patients représente 1/3 des finances de l'hôpital, qui ne reçoit pas de subvention de l'Etat, alors qu'il est hôpital de district. En second lieu l'éducation; nous européens, ne percevons plus l'importance de l'éducation. C'est rentré dans nos habitudes, un enfant à l'âge de 3 ans rentre à la maternelle et ira avec plus moins de facilité jusqu'au bac et fera des études supérieurs, qui même si elles ne sont pas gratuites, sont abordables pour beaucoup d'entre nous. Ici dès l'entrée au CP (l'école est obligatoire de 6 ans à 15 ans) il faut payer l'écolage : le prix de l'école privée de Tokombéré est de 10 0000 CFA l'année soit 15€, ce qui est une somme importante a réunir surtout quand on a 6 enfants et que les frères et sœurs, qui habitent la montagne et ont moins d'argent que vous, vous envoi leurs enfants (il faut payer pour eux). J'ai rencontré Augustin le fils d'Eweke, qui à 23 ans. Il voulait devenir prof d'espagnol, il a passé un an à Ngaoundéré (dans le centre du pays), mais faute d'argent, cette année il fait l'école normal de Maroua.

Je n'écris pas cet article pour qu'on plaigne les gens ici, d'ailleurs ils se plaignent moins que nous. Ils se débrouillent comme ils disent. Je veux juste vous faire partager l'autre réalité que je vie ici.

            Je pense que les gens sont heureux, on rit beaucoup, avec les collègues, les patients et leurs accompagnants. On connaît son voisin et les gens du village. Luc m'a raconté une histoire qui m'a-t-il dit l'a choqué : un jour il s'était rendu à Rumsiki (près de la frontière Nigérienne) avec des français. Ils se sont rendus dans un restaurant, dans lequel il y avait d'autres français. Au cours de la discussion les deux groupes de français se sont rendus compte, qu'ils étaient voisins dans leur village de Bretagne. Luc ne pouvait pas comprendre comment des voisins ne se connaissaient pas, ici c'est impossible. Chez nous c'est chose fréquente.

Je pense à l'heure actuelle qu'il n'y a pas de conditions de vie meilleures, que se soit ici ou en Europe. Par contre, je suis revenue sur mon idée qu'être sans papiers en France est pire que vivre au pays. Je ne sais pas ce qui est le mieux pour eux et je pense que nous blancs, nous ne pouvons pas savoir cela et nous ne pourrons jamais le savoir avec la répartition actuelle des richesses mondiales.



2 commentaires:

  1. Articles très intéressants que j'attendais. Savoir si la différence est flagrante. Christian m'en a beaucoup parlé de sa vie en Côte d'Ivoire et ça rejoint ce que tu dis.

    J'aime beaucoup la façon dont tu as traité le sujet, qui reste relativement neutre, même si tu donnes ton avis.

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  2. C'est tellement vrai ce que tu racontes ! Même si comme tu l'as dit il ne faut peut-être pas généraliser sur l'ensemble des blancs et de noirs, mais c'est quand même très vrai !
    La fin de ton article est particulièrement exacte, dans ces pays, on ne se plaint jamais, bien que les conditions matérielles ne soient pas tops. On vit avec, et ça n’empêche pas pour autant d'être heureux !

    C'est marrant de voir que tu rencontres des gens qui ont mon âge et qui s'appelle comme moi^^on pourrait presque croire qu'il s'agit de moi^^

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