samedi 26 novembre 2011

La vie à l'hôpital !

Dans cet article je vais aborder deux thèmes, qui racontent la vie quotidienne de l'hôpital et qui sont très symboliques de la différence d'organisation entre nos deux pays.

Dans une premier temps, j'expliquerais le rôle des accompagnants dans la vie quotidienne de l'hôpital. Dans un second temps, j'aborderais la question de l'argent, qui est centrale et auquel je suis confrontée tout les jours.


Commençons pas les accompagnants.

Il s'agit de personnes de la famille du malade, qui restent tout au long de l'hospitalisation de celui-ci à son chevet. Ils sont principalement des femmes. Les épouses quand il s'agit d'un homme, les mères en pédiatrie, les pères, les maris, les frères, les sœurs, les mères, les tantes ou même les coépouses. Ils vivent à l'hôpital pour quelques jours.

Ils ont un rôle essentiel dans la vie de l'hôpital. On ne peut pas accepter un patient si il n'a pas d'accompagnant, car ici pas de service hôtelier. Cela va des draps pour les lits à la nourriture. Nous trouvons cependant quelques personnes seules, qui n'ont rien à manger, alors les accompagnants des autres malades leur donnent à manger.

Chaque patient doit amener un drap pour couvrir son lit, on retrouve ici la place centrale que tient le tissu (ou pagne) dans la vie des gens. En maternité, les femmes ont également une sorte de bâche en plastique qu'elles mettent sous le drap pour protéger le matelas (lui-même en plastique) des souillures du sang et des urines et selles des nouveaux-nés. Peut-être ces bâches sont présentes dans les autres services, mais je ne les ai pas remarqué. Ce sont souvent les accompagnants qui préparent les lits des patients, car ceux-ci peuvent être trop faible pour le faire eux-même.

Quand un patient vient à l'hôpital, ces accompagnants suivent avec un paquet (souvent sur la tête) qui contient : les marmites, les gamelles pour l'eau, de la nourriture : le mil et les accompagnements pour faire la sauce. Ainsi que des vêtements de rechange pour les patients et eux-même.

En ce qui concerne la maternité, les accompagnantes (se sont essentiellement des femmes), s'occupent également d'éliminer les gros déchets des accouchements, c'est-à-dire les bassins remplis de sang. Ils récupèrent le placenta que nous leur donnons dans un petit sac plastique et se charge de le remettre au reste de la famille qui va l'enterrer. Ce sont elles, qui aident les patients pour leurs besoins et pour le bain des bébés. Elles ont aussi la charge de balayer le sol des salles d'hospitalisation.
Nous voyons quelques hommes, notamment si nos patientes sont Nigeriannes. Pour les patientes des environs, j'ai plutôt remarqué que se sont les mères ou les sœurs qui tiennent ce rôle. Les maris nous les voyons apparaître parfois quand l'enfant vient de naître (on se demande comment ils sont su que l'enfant vient juste de naître) et systématiquement pour payer . Seul les maris ont l'argent et fréquemment nous autorisons les femmes à sortir, mais elles ne quittent l'hôpital que 2 ou 3 jours après, car elles attendent leur mari qui doit venir payer.

Comme vous le voyez, nous trouvons beaucoup de femmes à l'hôpital et qui dit femme, dit enfant en bas-âge. Ainsi de nombreux enfants parcours les allées de l'hôpital et nous accompagnent dans notre quotidien. Ce sont souvent eux qui ont peur des Nassara, surtout quand les femmes viennent de la montagne et que les enfants n'ont encore jamais vu de blancs.

Cette organisation m'a fait réfléchir sur celle de nos hôpitaux français. Nous savons qu'une des dépenses les plus importantes de nos hôpitaux sont les services d'hôtellerie, or avec ce système de Tokombéré voici une économie non négligeable. Si nous imaginons transposer ceci chez nous, finit les plats sodexo immangeables et les patients abandonner dans les hôpitaux. On pourrait imaginer des cuisines communes, où les accompagnants préparaient les repas des patients et des machine à laver libre service. Cela créerait certainement plus de joie à l'hôpital (ce qui ne serait pas un mal). Biensûr cela entraînerait des contraintes comme devoir prendre des jours de congés, voir se déplacer dans une autre ville si on n'habite pas près de la personne malade, cette organisation changerait beaucoup de choses à l'hôpital dans son ambiance, dans les rapports des soignants (y compris les médecins) aux patients .

Ma mission consiste à apporter une partie de mon savoir technique, je pense qu'ils vont m'apprendre leur savoir humain.

Seconde partie de cet article : l'argent.

Il est omniprésent dans notre quotidien, chaque jour nous écrivons sur les dossiers « sort si paye ».

A l'Hôpital Privé de Tokombéré, comme dans le reste du Diocése, les responsables ont pris le partie de faire payer les soins au forfait et non à l'acte comme c'est souvent pratiquer dans les autres centres de santé. Par exemple un accouchement pour une femme du secteur sanitaire de Tokombéré coûte 3500F, hors secteur 7500F (je vous rappelle 1000F=1€50). Ce tarif correspond à l'accouchement normal, sans intervention autre. Quand on commence à faire une intervention : perfusion de syntocinon (inducteur de contractions) ou que l'on fait une révision utérine le prix augmente. De même en cas de déchirure ou d'épisiotomie la suture coûte 2000F.

Ce forfait comprend également les médicaments les plus utilisés comme le paracétamol, l'amoxicilline (pénicilline) ou encore le Fer. Les médicaments les plus chers comme la Tramadol (antalgique utilisé pour les césariennes) sont payant. Et qui dit payant, dit avance de frais, et c'est là où réside une de mes difficultés.

Par exemple la césarienne pour une femme du secteur coûte 20 000F, si la famille n'avance pas les frais on ne fait pas la césarienne. On doit attendre que la famille amène l'argent. Ainsi très souvent entre la décision de césarienne et la césarienne effective nous patientons un heure, voir plus. Vous pouvez imaginer aisément l'état de malaise dans lequel je me trouve pendant cette heure. Heureusement je n'ai pas encore eux besoin d'une césarienne pour souffrance fœtale, mais j'ai pratiqué fréquemment des réanimation de nouveau-né dans le bloc-opératoire.

Les examens de laboratoire sont également tous payant : la NFS (Numération Formule Sanguine) coûte 1000F, de même pour la goutte épaisse (examen diagnostique pour le paludisme). Tous les jours je pèse le pour et le contre de prescrire un examen supplémentaire à mes patientes, car je vais leur engendrer des frais en plus, alors que la clinique oriente déjà mon diagnostique. Par exemple devant une fièvre à 39°C, on traite systématiquement pour un paludisme sans attendre la goutte épaisse, de plus si celle-ci revient négative on poursuit le traitement contre le paludisme, car si le plasmodium (parasite qui donne le paludisme) est en cours de multiplication dans les globule rouge il ne se verra pas à la goutte épaisse. En conclusion devant une forte fièvre, quelque soit le résultat de la goutte épaisse on donne le traitement contre le paludisme.

Pareillement devant une fièvre néonatale, on ne met pas d’emblée les antibiotiques, car la famille doit alors payer les antibiotiques, ainsi que l'hospitalisation du nouveau-né. On commence par un temps d'observation, si la fièvre persiste on met en place le traitement.

L'argent est constamment présente dans nos réflexions médicales et dans nos conduites à tenir. C'est une des difficultés que j'ai le plus ici. Au début, je me disais que j'allais rester en retrait de cet aspect du travail, mais c'est impossible.

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup la façon dont les malades sont accompagnés. En effet, ce serait une bonne idée à mettre en place en France. Mais culturellement, ça me parait dur à mettre en place.

    Tant au niveau humain, que financier.

    Pour l'argent, j'imagine que ça doit être compliqué d'attendre pour faire une césarienne.

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  2. En France, le CCLIN serait contre des cuisines communes. Enfin je pense :)

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  3. j'étais en train d'écrire la même chose que Léo alors j'ai arrêté et j'ai rien d'autre à dire de plus :p

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  4. Bonjour,
    Nous sommes deux sages-femmes venues en stage lors de nos études l'été dernier à la maternité de Tokombéré. Ton blog nous fait chaud au coeur, il nous rappelle tous les bons souvenirs que nous avons eu au Cameroun.
    Peux-tu passer le bonjour à tout l’hôpital en particulier à l'équipe de la maternité, au Père Christian, à Rosine...
    Bonne continuation, on va continuer à suivre tes aventures.
    Céline et Julia

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