mardi 20 décembre 2011

Baba Simon

Comment vivre à Tokombéré sans aborder Baba Simon ?

Baba Simon était un prêtre camerounais. Il est né au début du XXème siècle à Edéa, ville du Sud du Cameroun. Il est décédé à Douala en 1975.
Ses parents sont de la religion traditionnelle, les musulmans sont déjà bien implantés dans le pays, mais le début du XXème siècle voit le début de l'évangélisation du Sud-Cameroun, avec l'intervention des prêtres allemand, remplacés après la première guerre mondiale par des prêtres français (pour rappel suite à la défaite de l'empire prussien, le Cameroun initialement colonie allemande devient un protectorat franco-anglais, ce qui explique la double langue nationale actuellement).

Mpeke, car c'est son vrai nom, va à l'école des prêtres de la mission, ce qui l'amène à la sortie de l'adolescence à se faire baptiser, moment où il recevra son prénom catholique « Simon ». Puis il devient instituteur dans les écoles de la mission, jusqu'au jour où l'évêque de Yaoundé décide d'ouvrir un séminaire, afin de former un contingent de prêtres indigènes. Ainsi Simon Mpeke fait parti de la première promotion de prêtres indigènes du Cameroun (il en existait déjà au Sénégal).


Après avoir travailler dans sa paroisse d'origine, le Père Simon est affecté dans le quartier de New-Bell à Douala, où il restera de nombreuses années à vivre au quotidien avec les populations et à mener ainsi son action d'évangélisation.

A la suite, d'un voyage en France, qui a abouti à son entrée dans les petits frères de Jésus et au voyage de l'évêque de Douala dans le Nord du Cameroun, Simon Mpeke décide de se rendre dans l'extrême nord du Cameroun pour évangéliser les populations Kirdi.


C'est donc en 1959, que Simon Mpeke, alors âgé d'environ 50 ans, devenu Baba Simon arrive à Mayo-Ouldémé (dans la région du Mayo-Sava) et rejoint rapidement Tokombéré peu de temps après, qui a une place centrale entre différentes ethnies de la région.

A cette époque, les musulmans dominent la région. Ils sont en général peuls et détiennent de grands troupeaux ou exploitations, les Kirdi sont leurs vassaux.
Les Kirdi sont les habitants originaires de la région (au contraire des Peuls, qui d'origine nomade, se sont installés dans la région par la force). Kirdi signifie païens, c'est à dire dans ce contexte, croyant animiste (de la religion traditionnelle). Ils vivent en ethnie, chacun sur leur montagne. On retrouve encore chaque ethnie aujourd'hui, mais ils sont mélangés et vivent ensemble, en partie grâce à Baba Simon. Il sont Mouyang, Madda, Zoulogo, Moloko, Mandara...

Ils se font la guerre, sur la plaine au centre de leurs montagnes : Tokombéré : littéralement la lieu du combat. Pour autant les mariages intra-ethnie sont mal vus, les hommes prennent donc des femmes des autres ethnies. Les enfants appartiennent à l'ethnie de leur père, ce qui est encore le cas aujourd'hui.

Quand Baba Simon est arrivé à Tokombéré, il veut évangéliser les Kirdi, leur apporter la parole de Dieu. Quel n'est pas sa surprise quand il comprend que les Kirdi connaissent Dieu depuis bien longtemps, que les grands prêtres traditionnels conversent avec Lui de temps en temps. Ils savent qu'il est le créateur de tout sur cette Terre et vivent une relation très étroite avec Lui dans le quotidien. C'est bien le même Dieu pour tous : Mouyang, Madda, Zoulgo... Seuls les rites diffèrent. Dans l'ensemble les rituels sont des sacrifices, comme le sacrifice de la chèvre, du bœuf ou du poussin. Chaque rituel à des codes précis et des dates précises. Ainsi quand Baba Simon vient leur parler de Dieu (après avoir passé beaucoup de temps avec eux), les Kirdi leurs répondent que bien sûr, tout ce qu'il leur dit ils le savent déjà. Qu'il ne leur apprend rien. Alors Baba Simon pense que sa mission n'a pas de fondement, mais une chose l'interpelle, et Jésus dans tout ça, où se place t-il ?

Voici ce qu'a apporté Baba Simon : l'idée que chaque homme est le fils de Dieu. Les Kirdi savent que Dieu est leur Père, mais ils n'ont pas compris la conséquence directe, à savoir qu'ils sont les fils de Dieu et que des devoirs en découlent. Par exemple si ils sont les fils de Dieu, alors ils sont frères entre eux, chaque être humain qu'ils soient Mouyang, Zoulgo ou Madda est fils de Dieu. Or on ne fait pas la guerre à son frère, on ne lui jette pas des sorts. S'amorce alors la fin des guerres ethniques, je dis s'amorce car les dernières dates environs de 1990, m'a-t-on dit.

Autre conséquence, la prise en charge de soi. Si on est le fils de Dieu, on doit faire en sorte d'être digne de son héritage et de travailler de telle sorte à faire pérenniser son héritage, d'où la promotion humaine : la projet santé, le projet agricole, le projet éducation, le projet jeune, le projet féminin. Comme j'ai dit précédemment les Kirdi sont les vassaux des musulmans, en raison de cette place sociale, ils ont en quelque sorte perdu leur dignité humaine, Baba Simon s'applique à leur rendre.

Grâce à sa doctrine « l'école est une clé de la vie », Baba Simon concrétise l'une des premières marche de la promotion humaine, avec la création d'une école, qui commence au pied d'un arbre à même le sol, pour aboutir aujourd'hui à l'école St Joseph, dont j'ai déjà parlé précédemment. Environ 20 ans après la mort de Baba Simon, ses successeurs continueront son œuvre, avec l'ouverture à proximité de Tokombéré, d'un collège Baba Simon. Collège général et rural, qui a pour but d'accompagner les enfants pour acquérir des bases sur lesquelles s'appuyer pour débuter leur vie dans l'environnement qui les entoure.

En parallèle de l'arrivée de Baba Simon à Tokombéré, le docteur Maggi (médecin suisse), qui a déjà ouvert des hôpitaux dans le nord-cameroun, décide d'installer son nouveau projet de santé à Tokombéré. Ainsi appuyé par Baba Simon, il commence ces premières consultations dans une case et petit à petit l'hôpital s'agrandit, pour devenir celui que nous connaissons aujourd'hui « hôpital privée catholique et de district ».

Baba Simon tombe malade en 1974, au commencement il est soigné à Tokombéré, puis après un séjour dans les hôpitaux français, il finit par s'éteindre au début de l'année 1975 à Douala. Son corps est ramené dans son village natal, près de Edéa où il est enterré.
Son œuvre perdure aujourd'hui, grâce en autre à l'un de ses successeurs, le Père Aurenche. Médecin et prêtre, il arrive à Tokombéré quelques semaines après le décès de Baba Simon et reprend la tête de l'hôpital et plus globalement le projet de promotion humaine, pour les faire grandir et leur donner la vigueur qu'ils ont aujourd'hui.

La population de Tokombéré est de la région du Mayo-sava reste imprégnée de l'aura de Baba Simon. Ses descendants ont d'ailleurs entamé des démarches, en vue de le faire canoniser et souhaite que son corps soit transférer à Tokombéré pour qu'il y soit enterré, probablement sur la colline où il aimait tant se retirer pour prier. La colline qui porte actuellement son nom, au centre de Tokombéré, point de vue du l'ensemble des montagnes environnantes et sur le village lui-même. Elle accueille en ces hauteurs une aire prière et conserve la case, dans laquelle Baba Simon passait des heures à méditer.








(j'ai tiré toute cette biographie du livre de Grégoire Cador "On l'appelait Baba Simon", toutes mes excuses si ma mémoire m'a fait défaut sur certaines dates)

vendredi 9 décembre 2011

Campagne de vaccination


         Cette semaine a eu lieu une campagne de vaccination de masse, contre le méningoccoque A, responsable de méningites dans les régions les plus arides du pays et les pays alentours.

Cette campagne de vaccination a été proposée et financée par l'UNICEF., le gouvernement camerounais l'ayant rendu obligatoire, dans les régions du grand-nord et et du sud-ouest. En totalité pour le district1 couvert par l'Hôpital Privé de Tokombéré, 12 000 vaccins ont été mis à la disposition des vaccinateurs.

Les vaccinateurs sont des infirmiers de l'Hôpital, qui ont été réquisitionnés spécialement pour cette campagne par le surveillant général de l'hôpital (le Dr ADOUKARA = dentiste) et par le pharmacien (le Dr TADA) chargés de la bonne réalisation de cette campagne. Ils ont reçus une formation et depuis lundi parcours tout les matins les pistes de la régions, pour vacciner toutes personnes entre 1 et 29 ans. En effet le nombre de vaccins n'est pas suffisant pour vacciner l'ensemble des habitants, ainsi la population cible sont les 1 an - 29 ans (même parfois il y a des ratés, et puis ici qui connait vraiment son âge?).

Afin de recruter un maximum de villageois, le programme prévoit en plus des infirmiers vaccinateurs, des mobilisateurs, qui sont des habitants des villages, chargés de faire du porte à porte pour inciter les mères à venir faire vacciner leurs enfants, ainsi que les jeunes adultes.

Les mobilisateurs


La fin de la campagne est prévue samedi, des sessions de rattrapages vont avoir lieu ce week-end, avec un élargissement de la population cible, si il reste des vaccins.

J'ai eu l'opportunité de participer une matinée à une séance de vaccination à TCHAGAWOLE dont voici les photos.






Lavage du bras avant la vaccination

Le stand de vaccination





Une nassara avec une aiguille, de quoi traumatisé à vie un enfant

Avant

Pendant

Après



Tout le matériel dans un carton et le tout sur la moto
Ce fut une très agréable matinée, qui m'a permis de mieux découvrir la vie quotidienne dans un village, ce qui est fort différent de Tokombéré et encore plus de Maroua. Beaucoup d'enfants ne sont pas scolarisés. Ils ont la peau très sèche et sont souvent sales (surtout en cette saison de fraîcheur où l'eau est trop froide pour se laver). Nombreux sont ceux dont les écoulements nasaux ont séché à même les lèvres et les mouches s'en régalent.



Je me suis réellement senti dans les conditions reculées que l'on imagine de l'Afrique noire. Mais comme toujours les rires et la joie règne à tout moment. Ils sont dans la misère (dixit un ami camerounais), mais ils savent prendre du recul sur leur situation et ne pas s'apitoyer sur les conditions de vie. De plus ils sont très accueillants, nous ont offert le repas (la boule de mil blanche, que j'apprécie beaucoup) ainsi que des arachides préparés.

Ce fut une excellente matinée, de convivialité (avec Mangavé l'infirmier que j'accompagnais) et les habitants de ce petit village.











































1. District : la santé au Cameroun est répartie par district, dans l'établissement principal est un Hôpital, en général public (L'hôpital Privé de Tokombéré fait exception, il est Hôpital de district depuis 2004, car il assurait les missions d'un hôpital de district.). En plus de l'hôpital, le district comptent des dispensaires (centre de premiers soins, dont le personnel est en majorité infirmier). Le district de Tokombéré comprend également les PMI et les matrones, qui sont assurés par les villageois.